“Quand on travaille avec la nature, on sait qu’elle a le dernier mot “

“Quand on travaille avec la nature, on sait qu’elle a le dernier mot “

Depuis une semaine la température du printemps est à 5 °C. Chez nos amis vignerons, c’est un combat contre le froid qui s’est lancé : pendant 3 nuits d’affilés ils ont surveillé leur thermomètre et leurs vignes, en espérant ne pas être trop touchés par le gel ! Ce froid qui touche la France continue encore cette semaine.

Nous avons chez Oé beaucoup de nos vignerons qui sont touchés par le gel, dont Clémentine dans le Jura et Anne-Cécile en Alsace, elles ont accepté de raconter comment elles vivent cet épisode. 

- Comment va le domaine et vous, vignerons ?

Clémentine : "C’est pour tout le monde pareil, on a le moral dans les baskets. On a gelé la semaine dernière, on a perdu une grosse partie de la récolte ! Ça fait maintenant 6 ans qu’on a des aléas climatiques, on arrive plus à faire une récolte normale. Là c’est assez tôt en plus, car on est qu’au début du printemps donc il y a encore plein de choses qui peuvent arriver : de la grêle et de la gelée jusqu’aux Saints de glace (15 mai). Et ce n’est que le début !

Tout s’est joué très vite, il y a des domaines dans le sud du Jura qui ont perdu jusqu’à 90%, pour eux l’année 2017 n’existera pas… C’est dommage, on était bien partis pour 2017 ! Le printemps a commencé trop vite : on avait 3 semaines d’avance, j’allais prendre des photos pour montrer sur les réseaux combien la vigne avait bien avancé… Ça faisait 26 ans que ce n’était pas arrivé : la dernière année, c’était en 1991, mon année de naissance !"

- Étiez-vous préparés à ce froid brutal ?

Clémentine : "Ça fait partie de notre métier : on joue avec les aléas climatiques, c’est une donnée qu’on ne peut pas maîtriser. Tous les ans c’est pareil, on a toujours un peu d’anxiété quand le printemps arrive. Le problème c’est que nous ne pouvons pas faire grand chose, hormis attendre et subir la météo. On a pas les moyens dans le Jura pour lutter contre les gelées, on a des parcelles très dispersées dans le vignoble. Sur 24 hectares de vignes, ce n’est pas envisageable d’allumer des feux. On sait quand ça va arriver mais on ne peut pas y faire grand chose !"

- La vigne va-t-elle reprendre vie ?

Clémentine : "La vigne a des bourgeons fructifères, qu’elle prépare l’année précédente, c’est à dire que les bourgeons qui étaient gelés aujourd’hui ont été préparés l’année dernière. Les bourgeons fructifères sont ceux qui allaient avoir les grappes qui auraient donné les raisins cette année : ce sont ces bourgeons là qui ont morflé ! La vigne va continuer à grandir, elle va encore végéter : on aura des feuilles, il y aura d’autres bourgeons qui apparaîtront. Par contre, ces seconds bourgeons ne sont pas des bourgeons fructifères, ils seront neutres et n’auront aucun fruits ! Ça va nous poser un problème pour le reste de l’année, parce que dans tout les cas, raisins ou pas raisins, il va falloir s’occuper de la vigne exactement comme si c’était une vigne productive… avec exactement les mêmes coûts à l’hectare !"

Peux-tu nous faire un état des lieux de la vigne ? 

Anne-Cécile : "En Alsace on a quand même bien été touché. Sur notre exploitation, on a 3 hectares qui ont été grillés à 100% donc ce sont 3 hectares où on ne récoltera rien du tout. Pour les 11 hectares restant cela varie entre 30% et 60% de pertes."

Quel cépage a été le plus touché ?

Anne-Cécile : "Ce sont les cépages précoces qui ont été les plus touchés, surtout le Gewurztraminer. Les bourgeons sont sortis très tôt et le Gewurztraminer est toujours le cépage le plus pressé donc il était déjà bien développé : pratiquement tous les bourgeons étaient déjà dehors. Les cépages les plus tardifs comme le Riesling où les bourgeons n’étaient pas tous sortis ont été plus protégés. Ceux non sortis pendant la gelée ont encore une chance de se développer correctement et de donner du raisin."

Comment va le moral ?

Anne-Cécile : "C’est mon huitième millésime cette année et sur 8 millésimes je n’ai connu que 1 seul millésime normal. 2016 était un millésime où on avait de la qualité et surtout de la quantité parce qu’on avait pas eu d’aléa climatique exceptionnel. Autrement, chaque année, on se paye soit de la coulure parce qu’il ne fait pas beau à la fleuraison, soit de la grêle, soit de la sécheresse ou au contraire trop de pluie… Quand on travaille avec la nature, on sait que c’est toujours elle qui a le dernier mot au final ! Les anciens ont pour habitude de dire que les années en 7 sont des mauvaises années, ça se confirme encore en 2017 ! En 2007 on a eu de la grêle sur une grosse partie du vignoble donc on a pas récolté grand chose non plus et en 1997 mon père m’a dit que ce n’était pas une bonne année pour le domaine. C’est vraiment un mauvais timing : il a fait chaud trop tôt ! On a eu des températures dingue, on a eu dans les 24°C pendant plusieurs jours d’affilé et cela, la vigne aime ! Si nous avions eu cet épisode de gelée au moment dans une année normale, les bourgeons ne seraient pas sortis et l’épisode de gel serait passé inaperçu !"

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