Comment es-tu arrivé à la vigne ?
Je viens d’une famille de vignerons installés à Saint-Laurent des Arbres de l’autre côté du Rhône. J’ai repris les rênes du domaine en 2002 après avoir quitté mon ancien poste dans une Banque de la City de Londres. Eh oui, un véritable retour aux sources ! Ça fait maintenant 19 ans que j’ai renoué avec mes racines méditerranéennes en poursuivant le travail de mon père Jean et de mon frère Frédéric.
Et l’agriculture bio dans tout ça ?
Le domaine familial est en bio depuis sa création en 1967. Mon père était un traditionaliste, il travaillait à la charrue et n’a jamais utilisé d’intrants chimiques. Mon frère qui a d’abord repris le domaine, a obtenu la certification AB*, puis à mon tour j’ai obtenu la certification en biodynamie sur une partie du domaine. Ce qui m’a poussé à faire le choix de la biodynamie, c’est principalement l’envie de mieux comprendre le terroir et de faire de meilleurs vins. Je me suis naturellement rapproché de vignerons qui la pratiquait et la philosophie qu’ils dégageaient m’a interpellé. En poussant le bouchon un peu plus loin, la biodynamie m’a apporté les réponses que je souhaitais. Les vins me semblaient plus intéressants, plus vibrants et plus minéraux.
*AB : Agriculture Biologique
Quels sont tes défis ?
Dans un environnement climatique qui change beaucoup, on a été confronté à des conditions météo de plus en plus extrêmes. En 2017, on a dû gérer une sévère sécheresse et en 2018 on a eu deux fois plus de pluie qu’en temps normal. On est passé d’un extrême à l’autre en 2 ans. Et comme en biodynamie on n’est pas sur le curatif mais sur le préventif, c’est plus compliqué de gérer les variabilités de climat et de faire comprendre aux consommateurs que cette méthode a un coût. Elle nécessite beaucoup de travail manuel, elle est moins mécanisée et industrialisée que nos confrères en conventionnel. Les coûts sont aussi impactés par les rendements plus faibles liés aux pertes de récolte. Le point positif, c’est la demande grandissante de consommateurs à la recherche de produits plus sains et notamment de vins qui reflètent leur terroir avec plus d’émotions.
As-tu un “bonheur” à nous raconter ?
En 2007, je me suis associé avec Philippe Faure-Brac, le meilleur sommelier du monde 1992. C’est un vrai privilège pour tout le domaine de faire équipe avec l’un des plus grands amoureux des terroirs et connaisseur des vins. On est 7 au domaine, on travaille sérieusement mais on se prend pas au sérieux. Le vin, c’est festif ! (rires)
Qu’est ce qui te fascine au quotidien ?
L’exercice du métier de vigneron est source d’émerveillement dans sa globalité — même si ce n’est pas de tout repos. On arrive à créer du lien et de l’émotion entre les personnes à partir d’un produit qui sort de la terre. En France, on fait du vin depuis 25 siècles. C’est une immense tradition qui est valorisante et exaltante à la fois. Être vigneron, c’est participer à une grande histoire qui n’est pas prête de s’arrêter, c’est avoir pour mission de transmettre un patrimoine culturel et des terres en meilleur état que celles laissées par nos anciens. Et ça, c’est une formidable motivation !
Qu’est ce qui t’intrigue dans les vignes ?
La faune et la flore sont épatantes. Les prédateurs présents dans nos vignes sont de précieux auxiliaires qui permettent de réguler naturellement les populations d’insectes. Nous avons des cigales, des lézards, des chenilles, des guêpiers, des épeires diadème [ndlr : de jolies petites araignées poilues et transparentes] et des mantes religieuses. La vigne a besoin de se développer en contact avec d’autres végétaux qui lui amènent des forces solaires et renforcent son immunité face aux agressions.
Des lectures à nous conseiller ?
- “Comment goûter un vin” de mon cher associé Philippe Faure-Brac,
- “L’agriculture bio-dynamique, comment l’appliquer dans la vigne” de François Bouchet,
- et “Le sol, la terre et les champs” de Claude et Lydia Bourguignon.