Comme certains d’entre vous ont pu le voir, on a donné un coup de boost au Programme Oé pour la biodiversité grâce à deux partenaires de choix. Depuis plusieurs mois, on travaille avec EcoFarms et MiiMOSA pour accompagner les vignerons Oé à aller bien au-delà du bio. Aujourd’hui, on vous propose de rencontrer la team EcoFarms pour en savoir plus sur leur rôle au sein du Programme Oé pour la biodiversité. On vous embarque, c’est parti !
Vous souhaitez en savoir plus sur le Programme Oé pour la biodiversité ? On vous dit tout ici !
Peux-tu nous parler d’EcoFarms et de son histoire ?
Kevin : “Emma et moi-même avons tous les deux porté un premier projet entrepreneurial dans le secteur agricole - respectivement le financement et l’assurance de projets de transition vers une agriculture durable. Rapidement, on s’est rendu compte qu’il manquait à l’écosystème une première brique nécessaire à l’émergence de nouveaux services innovants et cohérents comme les nôtres. Une base solide qui permettrait de redéfinir un modèle de développement agricole plus durable : l’évaluation de la durabilité des exploitations agricoles.
On a décidé de créer en avril 2020 EcoFarms, une entreprise indépendante de l’Économie Sociale et Solidaire. C’est la première agence d’évaluation de la durabilité des exploitations agricoles, pour les agriculteur·rice·s et leurs partenaires.
C’est la première étape de leur démarche de progrès. C’est aussi un outil de valorisation qui permet de communiquer en toute transparence à leurs parties prenantes sur leurs points forts et leurs axes d’amélioration.
Pour les coopératives, acheteurs et financeurs, l’évaluation est un langage commun, simple mais pas simpliste. Ils s'appuient dessus pour piloter leur réseau de producteurs (sourcing, monitoring, accélérer l’amélioration des résultats en leur proposant des services appropriées, etc.) et communiquer sur leurs différents supports (internes, réseaux sociaux, produits, etc.) sur les résultats obtenus à l’échelle individuelle ou du réseau. EcoFarms offre aux décideurs, l’assurance de bien faire les choses et les preuves de leur engagement pour l’agriculture durable. Pour résumer : EcoFarms est l’accélérateur de l’agriculture durable.”
Comment fonctionne la démarche ?
“Comme disait le célèbre scientifique Kelvin : « Vous ne pouvez pas gérer sans mesurer et seul ce qui est mesuré est mis en œuvre. La mesure est l’antidote à l’ambiguïté, elle oblige à être clair sur des concepts vagues et elle oblige à agir.»
Comme pour toute démarche de progrès cohérente (“mesurer, apprendre, agir”), on souhaitait améliorer la pérennité et les impacts des exploitations agricoles, et commencer par établir une méthodologie d’évaluation fiable et globale. Une méthodologie qui répond à l’incertitude et à la complexité croissante à laquelle fait face l’agriculture. Les solutions prêtes à l'emploi d'hier, lorsqu’il fallait d'abord produire plus pour nourrir le monde, sont aujourd'hui devenues obsolètes. On a pendant de longs mois analysé les études, publications et référentiels existants, interrogé des dizaines d’expert·es, scientifiques, agriculteur·rices, technicien·nes, pour penser une première version robuste de notre référentiel d’évaluation.
Il comporte plus de 250 indicateurs, regroupés en 21 thématiques (biodiversité, impact sur le climat, les sols, qualité de vie de l’exploitant, gouvernance, santé économique, transmissibilité, etc.), elles-mêmes réparties selon les 3 dimensions du développement durable : Agro-Environnementale, Socio-Territoriale et Économique.
Aujourd’hui, notre travail est challengé par notre comité scientifique et d’experts indépendants, et consiste à faire évoluer cette méthodologie pour coller au plus près des avancées scientifiques et attentes sociétales.
Cette méthodologie est au cœur du diagnostic qu’on propose aux agriculteurs et leurs partenaires. Les mesures et analyses faites nous permettent de fournir aux agriculteurs des suggestions d’amélioration pertinentes au sein de son exploitation et de structurer sa démarche de progrès.
On fournit ensuite un accès en ligne à la Boîte à Outils EcoFarms, dans laquelle on recense des centaines de solutions (prestations, produits, fiches pratiques, conseillers indépendants, etc.) pour qu’ils puissent agir de façon concrète et en toute autonomie sur les axes de progression que nous avons identifiés ensemble. On peut mesurer les années suivantes les progrès réalisés. Les résultats du diagnostic permettent aussi aux vignerons et à Oé de valoriser leurs engagements et de récompenser les efforts fournis.”
Quelles sont les étapes de votre accompagnement des vignerons Oé ?
“Concrètement, le processus d’évaluation d’une exploitation comme celle des vignerons Oé est simple et se déroule en 3 étapes pour l’agriculteur :
- Répondre à un questionnaire et fournir différents documents de preuves qui permettent d’attester les données fournies.
- Échanger lors d’un premier rendez-vous avec un ou une analyste de nos équipes, puis un second sur son exploitation pour valider certains points de contrôle et connaître l’agriculteur, ses envies et sa vision pour les années à venir afin que les résultats d’évaluation fournis collent au mieux à son contexte.
- Après l’analyse experte des données récoltées, on lui transmet un rapport d’évaluation avec ses résultats et on lui donne accès à l’espace membre sur lequel il retrouve les autres membres de la communauté, la boîte à outils et son kit de communication pour qu’il puisse valoriser sa démarche. On organise à la suite un échange téléphonique avec lui pour répondre aux questions qu’il pourrait avoir et fixer ensemble les objectifs de progression pour les années à venir.
Les résultats du diagnostic sont valables trois ans. On organise un échange avec l’agriculteur tous les ans pour suivre les avancées réalisées sur l’exploitation et réajuster les objectifs sur l’année à venir. Pendant tout ce temps, l’agriculteur garde accès aux différents outils (espace membre, boîte à outils et kit de communication dont une page dédiée sur la Carte EcoFarms - qui sera prochainement dévoilée !-) afin de poursuivre sa démarche.”
As-tu des chiffres à nous communiquer sur les agriculteurs et vignerons qui s’engagent pour la planète avec vous ?
“Les septs vignerons Oé évalués ont un indice de durabilité d’au moins 12 points supérieurs à la moyenne des exploitations comparables. Ce chiffre illustre bien le travail mené depuis de nombreuses années par ces derniers sur certains enjeux de l’agriculture durable, en particulier grâce à leurs démarches qui favorisent la biodiversité et à des exploitations à taille humaine, ancrées dans leur territoire.
De nombreux chiffres peuvent illustrer ces engagements :
- 338,85ha de surfaces de biodiversité développées : les exploitations contribuent à la complexité paysagère en favorisant les habitats pour la faune et la flore. Celles-ci participent à la préservation de la biodiversité et sont garantes de l’adaptation au changement climatique, de l’accomplissement du cycle de l’eau, ou encore du stockage de carbone, de l’azote, etc. Elles représentent 88% de la surface totale couverte par les exploitations des vignerons Oé.
- Les sols ont un taux de couverture supérieur à 60% (c’est à dire qu’ils sont recouverts par des végétaux en moyenne 60% du temps) favorisant la structure et la biodiversité des sols et permettant par exemple d’éviter son érosion.
- Un Indice de Fréquence de Traitement phytosanitaires moyen de 9,81 (allant de 3,48 à 18,16), contre un IFT moyen de 20,1 à l’échelle nationale. Ce chiffre illustre que les exploitations Oé n'utilisent qu’avec parcimonie des produits phytosanitaires, améliorant ainsi leurs impacts sur des thématiques comme la biodiversité, la pollution de l’air, des eaux ou encore leurs charges d’exploitation.
- D'un point de vue bilan des Gaz à Effet de Serre, les exploitations émettent au total environ 436 teqCO2/an. Elles stockent par ailleurs 436 teqCO2/an au global, et atteignent donc une neutralité à l'échelle du groupement. (436,5 tonnes équivalent CO2/an contre 435,9 teqCO2/an). La "Tonne équivalent CO2" est une unité de mesure où l'on ramène toutes les émissions en "équivalent CO2 " (exemple : 1 molécule de méthane émises par les vaches = 4 molécules de CO2).
- Seulement 15% de gaspillage de la production au niveau du champ contre plus de 30% en moyenne au niveau national
Tout l'enjeu sera de faire progresser ces résultats dans les prochaines années afin d’améliorer leur contribution positive au monde !”
Comment vois-tu l’agriculture dans 20 ans ?
“Ce n’est pas évident d’apporter une réponse simple à cette question ! Qui aurait pu imaginer en février 2020, les 18 mois tourmentés que nous allions vivre à la suite ? Du côté des agriculteurs français, bien rares sont ceux qui, le 4 avril dernier, auraient pu imaginer l’épisode de gel historique qui allait les frapper durement deux jours après. Idem pour nos voisins belges et allemands qui ont connu des inondations dramatiques cet été, ou encore pour nos amis canadiens et espagnols qui ont connu des températures extrêmes (respectivement 50° et 45°). Et ce, même si les origines de ces phénomènes sont bien connues et même prédits par les scientifiques : effondrement de la biodiversité pour le premier et dérèglement climatique pour les autres (à +1,1°C ! On n'imagine pas les conséquences à 1,5° ou même 2°C...).
L’agriculture, étant au cœur de l’activité humaine puisqu’elle répond à un besoin vital, son évolution est soumise à de nombreux facteurs et aléas. Pour m’essayer à l’exercice, je dois donc émettre quelques hypothèses fortes. En prenant en compte les pressions environnementales croissantes (dérèglement climatique, épuisement des ressources et des énergies non renouvelables, effondrement de la biodiversité,…), les attentes sociétales et contraintes réglementaires grandissantes, et la demande en production agricole qui va devoir augmenter drastiquement (+70% en 30 ans selon la FAO), l’agriculture se sera, de façon subie ou volontaire - tout l’enjeux est là ! -, orientée vers un modèle plus durable.
Elle sera plus autonome et robuste face aux aléas (diversification des productions, coopération plus forte entre les acteurs, …). Elle sera enfin reconnue pour les services écosystémiques qu’elle rend de part sa contribution forte aux objectifs environnementaux (stockage de carbone, régénération des écosystèmes, etc.), sociaux (création d’emploi, contribution à la résilience alimentaire des territoires, etc.) et économiques (rémunération décente, redistribution des ressources, etc.) que nous nous sommes fixés (Objectifs de Développement Durable - ONU).
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que l’agriculture est faite de contextes (géographique, social, économique, politique, etc.) et de systèmes de production très différents. Chacun connaîtra donc des évolutions plus ou moins radicales !
Pour prendre un exemple simple et qui nous parle à tous ici, il y a de grandes chances que nombreux de nos vins français ne ressemblent plus à ceux que nous connaissons aujourd’hui. Soit parce que nous aurons dû délocaliser les productions vers des régions alors plus propices, soit parce que les degrés d’alcool ne seront plus les mêmes.
Malgré cet horizon dépeint qui peut sembler sombre à première vue, j’ai la conviction que nos activités, en se transformant, nous recentreront sur des projets et tâches plus essentiels et donc plus épanouissants pour chaque individu. Comme le font les vignerons Oé en respectant et prenant soin du vivant (et des bons vivants !) qui les entoure.”