En ce beau mois de mai, nos esprits commencent déjà à divaguer sur toutes les choses merveilleuses que l’on fera pendant nos vacances cet été : au soleil sur notre nuque pendant les apéros entre amis, au sable sous nos pieds, au vent dans nos cheveux…c’est bon on y est déjà.
Chez Oé comme chez la plupart des acteurs du vin, ce n’est pas depuis quelques jours, mais depuis des mois que l’on pense au sable nuits et jours. Le quotidien est désormais rythmé par les mots pénurie du verre, augmentation de l’énergie, et les mots terribles “désolé, on a plus de bouteilles à vendre”. Alors que la France n’a jamais autant vendu de vin, on peine à trouver des bouteilles pour l’expédier.
Plus que jamais, le sujet de la consigne des bouteilles revient sur le devant de la scène, et les plus frileux de l’industrie commencent à revenir sur leurs positions. Là où, il y a encore quelques mois, l'écart financier entre une bouteille neuve ou issu du recyclage et une bouteille réemployée était encore très élevé (en faveur d’une bouteille neuve/recyclée), la hausse de plus de 22% du coût des bouteilles non issu du réemploi pose de nouvelles questions. Mais avant tout, d’où vient cette hausse fulgurante - mais pas si surprenante.
Le conflit Ukrainien
Depuis le 24 février 2022, la Russie à déclaré la guerre à l’Ukraine. Après 2 ans de pandémie mondiale ou de “guerre sanitaire” comme disait notre président Emmanuel Macron en 2020, les Ukrainiens vivent une guerre telle que toutes les générations avant nous ont connu. Une guerre de violence et de pouvoir, une guerre d’égo du côté de Poutine et de sanctions économiques de la part de l’Europe.
Bien qu’on en entende parler tous les jours, il est difficile d’imaginer pour nous ce que vit la population ukrainienne. Tout ça paraît très loin et pourtant. L’Ukraine a une industrie très développée et une agriculture très productive. Or avec la guerre, beaucoup des produits et ressources que la France, entre autres, importait d’Ukraine, ont arrêté de passer les frontières. Parmi ces biens : les bouteilles de vin. Le géant du verre Veralia a annoncé en février dernier la fermeture temporaire de leur usine de Zorya en Ukraine pour protéger leurs employés. En parallèle, une grève nationale dans les usines françaises n'a fait qu’envenimer la situation. Sans oublier les transporteurs espagnol qui ont arrêtés les livraisons et bloqués les routes pour protester contre la hausse des carburants.
Bref, on peut dire que les astres se sont alignés, que les dieux ont parlé et que les violons étaient parfaitement accordés pour créer une pénurie de bouteilles massive.
La hausse des énergies
Conséquence de la guerre en Ukraine et de la raréfaction des ressources naturelles, le pétrole et le gaz n’ont jamais été aussi cher. Pas besoin d’être connecté sur BFM toute la journée pour s’en rendre compte, la facture en fin de mois est claire comme de l’eau de roche.
Pour faire du verre, il faut utiliser un four qui tourne à 1550°C, 24h sur 24h, 7j/7, 365 jours de l’année. Ajoutons que les fours européens fonctionnent principalement au gaz - russe en l'occurrence. L’embargo sur les énergies russes est capital géopolitiquement parlant mais reste néanmoins un cataclysme financier. D’abord pour le cours des marchés, car en temps de guerre, rien n’est sûr et les règles que l’on pensait plus certaines qu’inébranlables ne le sont plus tant que ça. Et puis sur le produit final, car les marges, ça ne change que dans un sens : vers l’infini et l’au-delà. Sachant tout cela, le fait que les bouteilles de vin transparentes soient plus cher que l’année dernière n’est pas étonnant.
Cependant, le conflit russe n’est pas la seule raison de l’augmentation des prix, la raréfaction des matières premières est le second parent de cette crise. On nous répète depuis des années que les réserves de pétrole, de gaz, d’uranium sont de plus en plus basses. On fait des forages de plus en plus loin, de plus en plus profond. On entend parler des conséquences environnementales. Mais, en tant qu’occidentaux, on n’avait pas encore ressenti les effets directs sur notre consommation. Et c’est d’ailleurs ce qui nous permettait de fermer les yeux sans trop de difficulté. Tout ça c’est terminé. On a plus le choix, on doit subir les conséquences de notre surconsommation. Ces conséquences dans un monde capitaliste se traduisent par une hausse des prix - la fameuse loi de l’offre et de la demande.
Avec le temps, les énergies fossiles deviendront de plus en plus chères, seront de plus en plus un luxe à faire pâlir une doudoune Patagonia. À terme, l’offre disparaîtra et à l'instar de la réflexion cartésienne d'Amonbofis - pas d'énergie, pas de production de bouteilles. Pas de production de bouteille, pas de vin sur nos tables. Pas de vin sur nos tables, pas de vin....
Tensions des matières premières
Pas de matières premières, pas de bouteilles. Et des matières premières, on en a plus beaucoup. Que ce soit l’aluminium, le cuivre, l’or, ou le sable. Ces matières issues du travail lent et complexe de notre planète sont consommées bien plus rapidement qu’elles sont remplacées. Il y a quelques semaines, l’ONU alertait particulièrement sur l’utilisation incontrôlée du sable. C’est la matière première la plus utilisée au monde - et celle à l’origine du verre. Le sable, en dehors d’être très agréable entre nos doigts de pied, est vital pour la protection de nos côtes, des fonds marins, empêche les nappes phréatiques d’être salinisées, etc. Son extraction entraîne aussi la libération des gaz à effet de serre qu’il retenait. Bref, tout cet équilibre fragile est menacé par l’humanité. À force de construction effrénée et de production déchaînée, on détruit notre écosystème, notre terre nourricière.
Mais observons la situation d’un point de vue différent de l’habituel “quand est ce que ça redeviendra comme avant”. À la base, le fait qu’on ne puisse pas produire comme on le souhaite car on ne peut plus se fournir en matériau devrait être normal. Il devrait y avoir une limite à ce que l’on peut utiliser dans une année, si cette limite est atteinte, eh bien, pas de palais. Telle est la logique que l’on devrait suivre. Celle que l’on sera forcée de suivre très rapidement pour ne pas atteindre un point de non retour.
Quelle solution dites-vous ? La consigne pardi !
On vous en parle souvent et on ne s’en lasse pas. La consigne, c’est facile. C’est le fait de ramener sa bouteille dans un point de récupération de bouteilles. Ensuite, la bouteille sera collectée et lavée par un acteur de la consigne, un laveur par exemple. Pour vous donner un ordre d’idées, nos bouteilles peuvent faire jusqu'à 50 cycles de réemploi avant de devoir être recyclées. Vous l’aurez compris, le réemploi ce n’est pas infini, au bout d’un certain temps la bouteille devient trop fragile pour pouvoir être utilisée. À ce moment-là, le recyclage est une très bonne option, mais pas avant.
Fun fact pas si fun : dans une bouteille de verre recyclée, il y a aussi de la matière première neuve. Jusqu’à 75% pour les bouteilles transparentes et 25% pour les bouteilles foncées. Le bilan carbone et environnemental est donc largement supérieur pour les bouteilles recyclées.
Maintenant, il ne reste plus qu’à convaincre tous les engrenages de cette complexe mécanique que ça fonctionne. Ça commence par tous les partenaires de la consigne et ça se termine par vous, notre communauté, tous les fidèles consommateurs d’Oé qui ont le pouvoir de changer les choses en ramenant vos bouteilles chez votre épicerie préférée - s’ils ne font pas la consigne, n’hésitez pas à leur dire que ça vous intéresse ;)
Concluons sur le fait que cette crise est l’enfant terrible d’une pandémie mondiale, d’un contexte très inflationniste, de la hausse des demandes couplée de la baisse de l’offre et d’une diminution de la main d'œuvre - beau bébé.
Bien qu’imprévue, cette crise n’est pas surprenante dans le sens où bientôt elle fera partie du quotidien, au point où ces tarifs deviendront la norme et notre mode de vie ne sera plus imaginable. Cette fois-ci, beaucoup se sont laissés surprendre, nous compris. Et si certains ne font qu’espérer pour une reprise “à la normale” des productions, d’autres cherchent et développent des solutions pour atteindre une nouvelle normalité.